Je n'aime pas Roland Garros. Federer de préférence à Nadal: un choix politique (épisode 1).



Entendons-nous bien, si je n'aime pas Roland Garros, ce n'est pas parce que je déteste le tennis.

Au contraire, le tennis est, de loin, mon sport préféré.

Si je n'aime pas le tournoi de Roland Garros, c'est que la lenteur de sa terre battue favorise les défenseurs au jeu stéréotypé qui campent quatre mètres derrière leur ligne de fond de court.

De ce point de vue, le palmarès du tournoi est éloquent. Il y manque - et c'est comme un discrédit - tant de grands joueurs qui ont marqué l'histoire du jeu.
Longue liste des attaquants flamboyants n'ayant jamais réussi à s'imposer à Roland Garros: John McEnroe, Stefan Edberg, Pete Sampras...Ah surtout Stefan Edberg, l'idole de mes quinze ans, le prince du service volée, passé si près de la victoire à Roland Garros un jour de juin 1989... Gloire à Stefan Edberg et au tranchant mathématique de sa volée de revers!

La sublime volée de revers de Stefan Edberg

Mais surtout, si je n'aime pas le tournoi de Roland Garros c'est que Nadal l'a remporté onze fois et que dans ce tournoi Federer n'a jamais battu Nadal.



Car je serai toujours du parti de Federer. Contre Nadal.
A cause de l'essence même de leurs jeux respectifs.


Roger Federer Roland Garros 2019

Comme Edberg, comme Sampras, comme Rafter, comme Henman,  Roger le Grand fait son revers à une main - et pour moi ça veut dire beaucoup.
A la différence de l'infâme Brugera, du soporifique Costa, de l'assommant Moya ( qui se souviendra?), et de Nadal évidemment, Roger Federer fait son revers à une main.

Federer crée – il attaque, il va vers l'avant, il tente, ça réussit ou ça rate... Nadal lui détruit, Nadal est du parti des nihilistes. Sa spécialité c'est de ramener à la va comme je te pousse, n'importe comment, des balles impossibles. Et en ramenant cette balle une fois de plus, il espère la faute de l'adversaire, que l'adversaire prendra un peu trop de risques et que sa balle du coup sortira des limites du court. Nadal est un destructeur. Ca ne l'embête pas Nadal de remporter un point que l'esprit du jeu donne à son adversaire: Nadal n'a fait qu'attendre la faute, son adversaire a tenté, il a réussi deux belles attaques mais la troisième est restée dans la bande du filet
On dit de Nadal – et c'est une de ses grandes qualités – qu'il a la rage de vaincre. Roger Federer reste, lui, épris du bel ouvrage. Nadal est un modèle de fair-play – on ne peut pas lui l'enlever – il respecte le jeu. Mais pas son esprit. Dans l'esprit du jeu, chaque fois que Nadal rencontre Federer c'est Federer qui doit gagner.
Federer est plus ambitieux, plus orgueilleux que Nadal: il veut gagner mais ça ne lui suffit pas. Federer veut gagner en y mettant la manière. Avec style et grâce. Au contraire, chez Nadal aux râles gutturaux - et ça s'écrie en un seul mot - l'esthétique n'a pas sa place.

Quand il rencontre Nadal, Federer est l'aristocrate faisant face au parvenu.
Nadal est comme la personnification de ce pragmatisme utilitaire sur lequel se fonde notre monde de business-men médiocres.
Nadal est efficace, Nadal est rentable  à la façon d'un banquier, d'un trader, d'un cost-killer.
Nadal est productif quand Federer a de sublimes gestes qui ne servent bien souvent à rien d'autre qu'à lui compliquer la tache.
Federer est d'un autre temps, celui des gestes gratuits, des entreprises familiales non soumises au financier.
Federer perd parfois à force de s'empêtrer dans des cérémonials auxquels il ne veut renoncer.
Federer joue souvent à plat, sur le fil du rasoir, tandis que Nadal multiplie les gros lifts de bourrins qui passent à un mètre au dessus du filet.








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