L’expert littéraire auquel eut recours le père de Katherine Mansfield.


Le père de Katherine Mansfield a accompli une brillante carrière de financier en Nouvelle-Zélande, gravissant au pas de course tous les échelons jusqu’à atteindre le poste éminemment prestigieux de président de la banque nationale du pays.
Au soir de son existence, couvert d’honneurs et de distinctions, il décida - comme il convient aux hommes d’une telle stature - d’écrire un récit de sa vie. Aussitôt sa décision prise, cet homme résolu se mit au travail d’arrache-pied, et son livre, à l’image de sa vie, commença à s’écrire en ligne droite, sans tergiversation. Seulement jusqu’à un certain point cependant. Car quelque chose l’ennuyait - petit caillou de scrupule agaçant coincé dans sa chaussure. A mesure qu’approchait le chapitre qu’il projetait de consacrer à l’étrange existence de sa fille Katherine, il sentait de curieux doutes envahir son esprit. Il ne comprenait pas bien.
Quoi ?
Tout sûrement.
Alors, finalement, pour rédiger ce fameux chapitre, le père de Katherine Mansfield - probablement aussi humble que sûr de lui - jugea préférable - et pour tout dire plus prudent - de faire appel à un expert littéraire.

La beauté mutine de Katherine Masfield qui vous regarde comme un grand oiseau dégingandé


A un jeune écrivain qui l'interrogeait sur la signification de sa nouvelle, Katherine Mansfield répondit quelques mois avant sa mort:
"... ce que j'ai essayé de rendre dans "La garden-party": la diversité de la vie, et comment nous essayons de tout faire tenir ensemble, y compris la mort. C'est déroutant pour quelqu'un de l'âge de Laura. Il lui semble que cela devrait se passer autrement. D'abord une chose, puis une autre. Mais la vie n'est pas ainsi. Elle ne s'ordonne pas selon notre bon plaisir. Laura dit: 'Mais toutes ces choses ne devraient pas arriver en même temps.' Et la vie répond: 'Pourquoi pas ? Comment les séparer ?' Et c'est bien ainsi que cela se passe, c'est inéluctable. Et il y a, me semble-t-il, une certaine beauté dans cette inéluctabilité."



André Maurois en tant qu'expert littéraire - peut-être:

' De l'enfance elle a gardé ce rêve enchanté de la Nouvelle- Zélande par un matin d'été. Mais ce n'est pas seulement la Nouvelle-Zélande de son enfance qui baigne dans une lumière féerique. Partout elle retrouvera cette extase qui lui donne la communion mystique avec un paysage.'

' Chez Katherine Mansfield l'idée n'est jamais exprimée. Point de métaphores en forme, mais elles sont suggérées. Le poirier chargé de fleurs est lié à la béatitude de Bertha Young. Une petite lampe dans une maison de poupées, une mouche que tue un directeur de banque, deviennent le centre d'un conte. C'est le propre même du plus grand art que de donner ainsi à une émotion diffuse le support concret d'un objet.'



Je me dis souvent que Katherine Mansfield est la reine de la puissance des petites choses - cela ne signifie pas grand-chose, il faudrait mieux expliquer, mais je pense que ceux qui l'ont lue me comprendront, ou du moins, comme dirait KM, 'ils se douteront'.

Il faut surtout la laisser parler.

'Le père de Fénella avançait à grandes enjambées rapides, nerveuses. Auprès de lui, sa grand-maman se dépêchait, enveloppée de son imperméable noir qui craquait sans cesse ; ils allaient si vite que la petite fille était obligée, de temps à autre, de faire, pour les rattraper, un petit saut dépourvu de toute dignité. Outre son bagage sanglé en un rouleau pareil à une saucisse rebondie, Fénella portait le parapluie de sa grand-mère, serré sur son cœur, et la poignée en tête de cygne lui donnait tout le temps sur l'épaule de brusques petits coups de bec, comme pour lui dire aussi de se hâter...'

(extrait de la nouvelle intitulée 'Le Voyage' dans la traduction  de Françoise Pellan).

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