Le voyage idéal, Marcel Proust et l'Egypte
De nouveau aujourd'hui, je pioche au hasard - et avec délice - dans l'un des vingt et un tomes de la Correspondance de Marcel Proust éditée chez Plon par Philip Kolb. Cet américain natif de Chicago consacra une grande partie de sa vie à la tache titanesque consistant à rassembler et à annoter les lettres de Proust, à retrouver une trace, aussi minuscule soit-elle, de ceux qui y sont nommés...
En cinquante années de travail, Philip Kolb publia cinq mille lettres, ce qui représente selon lui à peine plus d'un dixième de l'ensemble de celles qu'écrivit Proust.
Le tome XX, l'un des plus difficiles à se procurer. |
Le 2 février 1908, Marcel Proust écrit à Madame Straus :
' Voulez-vous que nous louions un bateau sur lequel on ne fera aucun bruit et d'où nous verrons défiler sans quitter notre lit ( nos lits) toutes les belles villes de l'univers posées au bord de la mer?'
Il en est ainsi, oui! Que les plus belles villes du monde viennent à moi! Venise, Rome, Bruges, Florence, Amsterdam... Que ce soit le monde qui voyage vers moi! Et sans bouger, je les verrai! J'ouvrirai grand mes yeux, et je n'aurai pas besoin de bouger, juste me laisser aller au fil de l'eau. Je suis au cinéma ou devant ma télé. Le monde est apprêté pour moi, le monde s'organise en fonction de moi, je n'ai plus à m'inquiéter... Il n'y aura pas de bruit sur ce bateau, et personne ne viendra me déranger sauf les images... Les images des choses qui sont comme les choses qui ne font plus de bruit... Au fond, je suis où, quelle est donc cette terre promise?
Au fond des temps égyptiens, sur la barque des morts. Qui descend le Nil.
Marcel Proust rêve de la mort dans la vie.
Barque funéraire de Toutankhammon |
Je viens de m'inscrire sur le site qui a pour but, à terme, de procéder à une édition numérique complète de la Correspondance de Marcel Proust:
http://proust.elan-numerique.fr/
Voici le texte qui figure sur la page d'accueil du site - c'est moi qui souligne.
'Publiée entre 1970 et 1993 chez Plon, l’édition de la Correspondance de Marcel Proust par l’universitaire américain Philip Kolb n’est pas seulement un monument éditorial (21 volumes, environ 5300 lettres), c’est un instrument de travail incomparable qui soutient depuis des années le développement des études proustiennes dans tous les domaines.
Cependant, vingt-cinq ans après l’achèvement de cet ouvrage de référence, plusieurs centaines de nouvelles lettres de Proust (ou à Proust) sont déjà apparues dans des ventes publiques et des publications (revues, ouvrages) : l’édition imprimée ne peut les insérer ni les prendre en compte pour actualiser ou rectifier les données précédentes.
Face à un tel corpus en extension et redéfinition permanentes, l’édition numérique est la seule réponse réaliste :
– Elle permet d’intégrer au fil de l’eau les lettres inédites ou nouvellement publiées, et bien souvent, par ricochet, de modifier les datations et d’enrichir l’annotation des lettres déjà accessibles en ligne.
– Elle permet des recherches plus rapides, plus nombreuses et plus précises à travers un corpus balisé en fonction de critères de recherche multiples : dates, lieux, personnes, personnages, titres, citations, informations codicologiques…
– Elle constitue enfin un espace collaboratif de travail qui donne à l’ensemble de la communauté proustienne la possibilité de participer à l’effort éditorial.
Le projet, baptisé CORR-PROUST, repose sur l’union des forces de trois institutions réunies dans le Consortium « Proust 21 », l’Université Grenoble Alpes, l’Université de l’Illinois à Urbana-Champaign (qui abrite le Kolb-Proust Archive for Research) et l’Institut des textes et manuscrits modernes du CNRS.'
Philip Kolb (1907-1992), gloire à lui! |
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